Les défis liés aux déplacements quotidiens sont nombreux : impact sur l’environnement, manque d’accessibilité pour tous, inégalités des territoires.
À l’occasion de la Journée Mondiale des Mobilités et de l’Accessibilité, nous nous sommes entretenus avec Cécile Gouesse, Associée et Jérôme Cointot, Directeur associé chez Eurogroup Consulting en charge des mobilités.
La mobilité durable est devenue un impératif dans la quête d’un avenir plus respectueux de l’environnement et plus inclusif. Cécile et Jérôme reviennent sur les principaux défis qu’elle soulève en France, tout en proposant des solutions concrètes. De la mise en concurrence des opérateurs à l’amélioration de l’accessibilité pour tous, en passant par le besoin de nouveaux financements, l’avenir de la mobilité s’annonce prometteur mais exigeant.
Quelle est la situation des mobilités durables en France en 2025 ?
Il y a plusieurs nouveaux éléments de contexte. D’abord, la mise en concurrence en Île-de-France sur les bus, et le fait que cela touche maintenant Paris et la petite couronne, et donc le périmètre historique de la RATP et également sur le ferroviaire avec les 1ères lignes du périmètre historique SNCF Transilien. Hors IDF, la mise en concurrence des TER se dessinent dans toutes les régions en France, avec des calendriers progressifs mais certains.
Ensuite, une dynamique autour des SERM apparait de plus en plus (Services Express Régionaux Métropolitains), qui sont les fameux RER métropolitains souhaités par le Président de la République Emmanuel Macron. Un certain nombre de métropoles et de territoires labellisés ont été identifiés. L’essentiel de la réflexion porte sur l’objectif suivant : proposer une alternative à la voiture pour accéder facilement au cœur de métropole avec une offre de transport collectif cadencé. La ville de Strasbourg a été précurseur en la matière avec la révision et l’augmentation de la fréquence des TER ; mais il existe d’autres pistes à creuser, comme les bus et cars express, plus rapides à mettre en œuvre et moins chers (car pas d’infrastructures).
Se pose aussi le sujet du manque de financements, d’où le lancement dès le 5 mai prochain d’Ambitions France Transport : il s’agit de la nouvelle convention consacrée au financement des infrastructures de transport, en particulier ferroviaires, ou routiers. C’est un retour à la réalité assez brutal après la parenthèse enchantée que le secteur des transports a connu lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Aujourd’hui, il y a un mouvement d’ensemble, où de nouveaux opérateurs arrivent sur le marché, que ce soit dans le monde de l’urbain ou de l’interurbain (ATM opérateur italien de bus qui vient de gagner un 1er lot en Île-de-France ou Kevin Speed qui se positionne en grande vitesse sur les transports du quotidien à haute fréquence), et de nouveaux opérateurs qui arriveront dans les prochaines années. C’est le cas dans le monde de la grande vitesse, où il n’y a plus uniquement TGV Inoui et Ouigo, mais aussi Trenitalia, Renfe et des acteurs qui se positionnent comme Proxima etc.
Gares & Connexions, le gestionnaire des 3 000 gares française va ainsi se retrouver avec un nombre grandissant d’entreprises ferroviaires face à lui. Il y a un fort enjeu et une obligation (fixé par l’ART) d’intégrer tous ces acteurs de manière transparente et non discriminatoire pour proposer une expérience commune à ces nouvelles entreprises ferroviaires et par là même aux clients qui transitent par la gare.
Comment améliorer l’expérience client dans un contexte multi-opérateurs ?
Quand on parle d’améliorer l’expérience client, cela signifie concrètement : Comment s’assurer que le parcours client est le plus fluide possible ? Typiquement aller d’un point A à un point B, implique, en particulier :
- la recherche d’itinéraire,
- la distribution (acheter un titre de transport, au guichet ou digitalisé),
- l’information voyageurs, lorsque j’arrive à la gare pour prendre mon train ou mon bus / car (son horaire, son numéro, sa voie).
Il y a donc un véritable enjeu à normer l’expérience client et à s’assurer qu’elle est la plus structurée possible.
C’est un enjeu majeur pour les AOM et les gestionnaires de pôles multimodaux qui au travers du développement de la concurrence vont faire intervenir sur un même périmètre plusieurs opérateurs. Pour garantir cette fluidité, un travail est à mener pour s’assurer que tous les clients perçoivent qu’ils sont sur un réseau unifié et non plus avec tel ou tel opérateur. Tous les projets d’harmonisation vont dans ce sens : avoir une expérience client définie, un parcours homogène, des signatures relationnelles partagées et ce sur l’ensemble d’un même réseau, quel que soit l’opérateur en charge !
Près d’un an après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, quel est votre constat sur les progrès et obstacles à l’accessibilité des transports publics ?
La notion d’accessibilité recouvre plusieurs réalités. On pense spontanément aux personnes à mobilité réduite, mais il y a aussi les personnes qui souffrent de déficiences visuelles ou cognitives.
Aujourd’hui, il y a un vrai enjeu à mettre à niveau l’accessibilité et faire de l’optimisation de l’accessibilité physique une priorité. Par exemple, la Région Île-de-France a justement pour projet de rendre le réseau de métro parisien historique enfin accessible à tous les voyageurs.
Pour le Grand Paris Express, les nouvelles infrastructures ont été conçues by design accessible. Pour le métro parisien, parfois plus que centenaire, cela passe par la transformation des accès et cheminements au sein des stations (escalators, ascenseurs, services dédiés). Evidemment, ce sujet colossal nécessite des financements très importants. Des discussions ont été entamées avec la mairie de Paris, les collectivités, la Région et éventuellement l’Etat.
Pour les déficients visuels notamment ou auditifs, plusieurs start-ups aident au guidage indoor dans les gares ou permettent des facilités.
Pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques, il y avait beaucoup de présence humaine dans et aux abords des gares, ce qui a beaucoup rassuré et a permis d’accompagner les voyageurs nécessitant une assistance. Cette présence massive a été saluée mais elle avait un coût considérable. Réfléchir à imaginer un modèle innovant de financement de cette présence reste à imaginer (lié avec le volet retail de la gare, avec le volet tourisme de la collectivité, …).
Comme quoi, on sait rendre les transports attractifs et accessibles quand on y met les moyens, mais la question aujourd’hui est de trouver la bonne équation économique.
« Il faudrait imaginer de nouveaux indicateurs pour définir les bénéfices des investissements pour rendre les mobilités plus durables »
Investir en faveur des mobilités durables n’est pas qu’une affaire de coût. La réflexion ne peut se faire aujourd’hui sans prendre en compte de nombreuses externalités positives des projets de mobilités et leurs bénéfices sur les usagers, tels qu’un meilleur accès à l’emploi (quand on sait que près d’un français sur trois refuse un travail à cause du manque de transports), à la santé, à la socialisation…
Dès lors, est-ce que le jeu n’en vaudrait-pas la chandelle ?
EN SAVOIR PLUS
Notre Filière Mobilités
Spécialiste de l’accompagnement des projets de transformation, notre cabinet de conseil propose un accompagnement stratégique et opérationnel à ses clients du secteur des mobilités en les aidant à repenser leur modèle, et à en évaluer les impacts.
Comme dans toutes les analyses stratégiques que mènent nos équipes, notre rôle consiste à garantir une analyse exhaustive de toutes les dimensions en jeu, afin de faciliter une prise de décision éclairée, adaptée à chaque contexte et territoire.
Cécile GOUESSE
Associée